Tuesday, November 18, 2008

Pardon et Merci


Pardon et Merci

En acceptant l’accord de Taëf, quoiqu’on puisse penser de ce document qui a été la résultante des rapports de forces durant cette période, en adhérant donc à ce compromis douloureux mais qu’il jugea nécessaire pour mettre fin à la guerre, Samir Geagea, au nom de la Résistance, a accepté de pardonner les crimes commis contre les Chrétiens durant les quinze années passées et était en droit d’attendre, en retour, qu’on leur pardonnât également, à lui, au mouvement de résistance dans son ensemble, aux Chrétiens du Liban.

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Pour que cela soit clair, solennel et sans ambiguïté, Samir Geagea s’est dressé, avec courage, lucidité et humilité, pour reconnaître publiquement et explicitement les « erreurs » et présenter des excuses. Cette demande de pardon était adressée tant à « l’ennemi » d’hier qu’aux Chrétiens eux-mêmes. Sans vouloir aucunement minimiser l’importance de cette démarche historique, n’ayons pas peur des mots, vis-à-vis de « l’autre partie », je voudrais simplement l’évoquer ici dans sa dimension « interne ».
Samir Geagea s’adresse donc aussi, peut-être même surtout, aux Chrétiens. Il accepte d’assumer devant eux et devant l’Histoire la responsabilité de l’ensemble de l’action de la Résistance, dans ses différentes composantes, avec ses commandements successifs et depuis le premier jour. Il le fait « au nom des résistants vivants et martyrs » en vertu du principe de continuité historique et de l’unité « idéologique » du mouvement de résistance depuis ses débuts.
Au lieu de rendre hommage à cet acte de grande valeur symbolique et politique, les « bien-pensants » parmi les Chrétiens s’en sont saisi pour en faire un acte d’aveu et le retourner contre son auteur.
Faut-il rappeler qu’il ne fut totalement en charge et ne peut donc être tenu pour pleinement responsable qu’à partir du 15 janvier 1986 et pour ce qui ne concerne que les FL et la région sous leur contrôle ? Et que la responsabilité politique concernant le destin des Chrétiens était partagée avec le président de la République ?
Faut-il souligner que les « erreurs » commises avant cette date, depuis 1975, sont, au moins, aussi choquantes par leur ampleur et leur gravité que celles qui devaient malheureusement suivre ?
Les légendes ont la vie dure, surtout si l’on s’acharne à les entretenir ; accabler Samir Geagea de tous les maux des Chrétiens est historiquement inexact, politiquement injuste et moralement indécent.

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Les « milices » ont commis des actes répréhensibles, condamnables, c’est évident, nul ne le nie. Des actes que rien ne justifiait et que personne n’est obligé de supporter. Toutefois, un dessin valant mille discours, les « bien-pensants », avides d’exemples « parisiens », devraient se pencher sur la réalité de la Résistance française ; elle aussi, au moins autant que la nôtre, a eu dans ses rangs des seigneurs et des saigneurs, des braves gens et des voyous, des intellos et des hommes de main ; elle aussi, au moins autant que la nôtre, a connu les erreurs, les errements, les excès de toutes sortes, le racket, les abus, les trafics, les règlements de comptes, les luttes intestines, les trahisons, les crimes. Il est arrivé que des voitures des F.F.L. prennent des sens interdits en invectivant les riverains ; il est arrivé que des résistants réquisitionnent un appartement, qu’ils se servent en premier à la boulangerie bondée de clients… La nature humaine est ce qu’elle a toujours été et la guerre est ce qu’elle sera toujours. Cela n’enlève rien à la valeur de la Résistance, à sa nécessité, à l’héroïsme de ses membres, à l’admiration qu’on lui voue, à sa place dans l’Histoire. Il ne faut, certes, rien occulter des aspects « honteux » d’une période, une étude critique de l’Histoire est déterminante pour l’avenir d’un peuple, mais il ne faut pas, non plus, jeter l’enfant avec l’eau du bain.

Les « bien-pensants », grands admirateurs théoriques de la Résistance française, bien assis dans leurs salons, ceux qui n’ont pas pris parti, pas tiré un seul coup de feu, restés « au-dessus » de tout engagement, ceux-là mêmes qui n’ont pas « de sang sur les mains », ce sont eux qui devraient demander pardon.
Demander pardon aux résistants, martyrs et vivants, auxquels ils n’ont jamais dit merci. Demander pardon pour leur ingratitude, pardon surtout d’avoir dénigré l’action de ces braves et de continuer à salir leur réputation.

Michel RAGGI

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